Bryan Campbell

Janitor of Lunacy: a Filibuster

Le filibuster est   une   stratégie politique au sein du Sénat des États-Unis qui permet à un.e membre du parti d’opposition de bloquer le passage d’une loi. En parlant jusqu’à la fin de la séance lors d’une journée de vote, le.a sénateur.rice force la reprogrammation du vote à une date ultérieure. Lors d’un filibuster, un.e sénateur.rice doit parler sans discontinuer. Il.elle n’a pas le droit de partir aux toilettes. Il.elle a le droit de poser les mains sur une table ou le pupitre mais pas les coudes. Il.elle peut uniquement boire de l’eau et du lait, et manger les bonbons durs qui proviennent du bureau du sénateur de la Pennsylvanie. La plupart des sénateur.rice.s s’entrainent physiquement et porte des baskets et des couches a fi n de répondre à ces contraintes chorégraphiques écrites dans les lois qui gouvernent les procédés législatifs.

Je suis en train d’écrire un filibuster. Pour cette performance, je m’impose les mêmes contraintes physiques, verbales, et diététiques qu’un sénateur qui donne un filibuster ; je parlerai de manière continue, debout, en portant une couche (en dessous du pantalon). Le texte sera une combinaison de matières écrites et improvisées. Cette performance durera huit heures dans sa version finale, durée à partir de laquelle un discours sur le parterre du Sénat peut être répertorié en tant que filibuster à la bibliothèque législative des États-Unis. En tant que performance dans la durée, la vulnérabilité de mon organisme, sa fatigue et ses pics d’adrénaline, feront partie de la partition.

Au centre de mon filibuster se trouve une opposition dynamique entre un héroïsme spectaculaire et une obligation prosaïque de remplir le temps. Lors d’un filibuster au Sénat des États-Unis, les auditeur.rice.s - et, dans l’ère contemporain, les caméras – ont tendance à entraîner la personne qui parle vers un affect de passion, de ferveur, et d’excitation qu’on pourrait reconnaitre dans les discours lors de meetings politiques. En même temps, le but primaire du filibuster - remplir le temps - ne nécessite pas un quelconque héroïsme rhétorique. Un.e sénateur.rice passera donc des moments de discours de persuasion à des moments où il ou elle essaie de noyer le poisson, dans l’intérêt d’économiser de l’énergie ou bien comme mise en scène cynique. En tant qu’artiste, je suis fasciné par cet impact queer, une relation au temps  à la fois climatique et planante. Si les possibilités sont vastes, l’expérience que je vise à offrir n’est pas une épreuve provocatrice de la patience du public, mais un voyage généreux, plutôt divertissant, dans lequel l’ennui est utilisé en tant qu’outil de manière sélective afin de laisser la place à un.e spéctateur.rice pour perdre le fil, partir pour chercher un sandwich ou, pour ces personnes qui vont choisir l’option marathon, persister. Alors que le public est convié pour arriver dès le début, il lui est  permis de partir et revenir à son gré.

En m’engageant dans ce filibuster, je continue dans la lignée de deux de mes projets précédents, Research for the quadruped protagonist et MARVELOUS. Que j’assume le rôle d’un universitaire dans le premier, celui de mon poste quasi-fictionnel en tant que rédacteur en chef d’un magazine de mode dans le deuxième, ou les pratiques d’un sénateur états-unien dans le projet actuel,j’endosse les affects et les postures de figures qui représentent le pouvoir structurel. Je m’intéresse à cette importation des pratiques de communication de personnes puissantes, et comment l’introduction de ces pratiques dans les miennes pourrait révéler quelque chose de l’agencement du pouvoir dans la situation de ma performance - la puissance d’agir de l’institution qui m’accueille, le porte-voix de l’architecture de la scène, mes propres techniques de persuasion et de séduction, etc.

Le filibuster que je donnerai traitera d’une multiplicité d’interactions entre corps et politique. Tout corps se retrouve à l’intersection de plusieurs courants biopolitiques, sous l’influence des états-nations, des entités commerciales, et des idéologies religieuses et éthiques. Ces vecteurs influencent nos comportements et nos désirs. Ils manipulent le corps lui-même afin de discipliner, exploiter, ou distraire. Dans Janitor of Lunacy, je parle depuis mon point de vue en tant qu’un de ces corps. Contrairement à un sénateur qui fait filibuster contre une loi en particulier, je parle depuis le réseau d’oppositions et d’affinités qui constitue l’acte de se définir et se positionner dans ce terrain complexe de puissances d’agir. Le public, qui fait ce même travail quand il consulte les infos, va chez le médecin, ou enfreint la loi, pourrait s’y voir en reflet..

 

Bryan Campbell
est un artiste américain qui vit et travaille à Paris.  
Depuis 2008, il élabore un travail multi-disciplinaire mêlant l’image, le graphisme, le texte, et la chorégraphie. Ses performances manient les codes de la culture visuelle en s'attachant aux corps et cognitions qu'elle implique et qui en sont issus. Ses projets sont subtilement queer, aventureux en concept, et beaux.  
Après des études à la Tisch School of the Arts de l'Université de New York, et à la Salzburg Experimental Academy of Dance (SEAD), Bryan Campbell crée plusieurs pièces à New York, notamment une série de solos (Seven Activities of the Historical Object), et le quatuor Hares on the Mountain, une commande du festival La MaMa Moves!.  
En tant que danseur, il est, entre autres, engagé dans les projets de Christopher Williams, David Parker, Sydney Skybetter, et Gus Solomons jr. 
Sur la session 2009/2010, il intègre ex.e.r.ce, un programme de formation et de recherche sous la direction de Mathilde Monnier au Centre Chorégraphique National de Montpellier. Durant cette période,  il initie une recherche autour du dessin animé Mon Petit Poney, et réalise, à partir de là, la conférence/performance Research for the quadruped protagonist, ainsi que la pièce QUADRUPED PROTAGONIST. Les présentations de ces pièces ont fait voyager les poneys au Théâtre de la Cité Internationale (Paris), à Beursschouwburg (Bruxelles), au Judson Church (New York), au GogolFest (Kiev), et au KUNSTKOMPLEX (Wuppertal).  
Parallèlement, Bryan Campbell poursuit son travail d’interprète auprès de chorégraphes en collaborant, entre autres, avec Loïc Touzé, Jana Unmüssig, et Emmanuelle Huynh. 
En 2011, il reçoit une bourse de recherche du NRW Kultursekretariat (Wuppertal) pour travailler autour de l’œuvre de l’artiste Dieter Roth.  
En 2013, il reçoit la bourse DanceWEB.  
En 2015, Bryan Campbell crée MARVELOUS, résultat d’une période de recherche de trois ans autour de la dramaturgie de l’imprimé. Ce projet, à la fois magazine de mode et culture et performance, est “publié” dans des espaces divers (théâtres et galeries) et a été présenté à PACT Zollverein (Essen), Kaaistudios (Bruxelles), le Festival Artdanthé (Vanves), et Actoral (Marseille). Bryan Campbell  est assistant à la conception pour des projets de Jacob Peter Kovner et  Antonija Livingstone.  
Il est actuellement engagé en tant qu'interprète dans les pièces d’Olivia Grandville, Jocelyn Cottencin, DD Dorvillier, Perrine Maurin, et Antonija Livingstone & Jennifer Lacey. 
Il  participe également à la recréation des Inconsolés d’Alain Buffard et de Sorry, do the tour! de Marco Berrettini.   


Loup 
Loup vit avec une rivière dans les Alpes maritimes. Elle/il entretient différentes pratiques de facilitation : danser par le milieu, jardiner, organiser des funérailles, générer des modes de résurgence, de réparation et de résolution de conflits pas seulement humains. 
En collaboration avec des forêts, des morts et les personnes/choses de passage, elle/il co-conspire l’émergence de communautés queer, rurales, décoloniales.  
Elle/il fait partie du collectif dance for plants et fomente l’ouverture d’un lieu dédié au partage de savoirs plus qu’humains en Auvergne. 

Distribution

Conception, Texte et Interprétation Bryan Campbell 
Regard extérieur (version française) : Loup 
Direction technique : en cours 
Graphisme : en cours 
 

Production

Production : Météores 

Partenaires confirmés : 
Les Bazis (09) ; Montévidéo, Créations Contemporaines - Atelier de Fabrique Artistique ; La Métive, lieu inter- national de résidence de création artistique ; Théâtre Le Vent des Signes avec le soutien de la Ville de Toulouse ; workspacebrussels (Bruxelles) ; La Zouze  (Marseille) ; Théâtre Garonne 
Partenaires en cours : 
Centre chorégraphique national du Havre, CDCN Pôle Sud – Strasbourg, CDCN Atelier de Paris Carolyn Carlson, SACD Beaumarchais, Artcena, Festival Latitudes contemporaines, Festival Trans-Amérique 

Liens

Sortie de résidence

mer 12 fév 2020 — 20:30


Entrée libre
Montévidéo est ouvert de 19h30 à minuit et le bar aussi.