Dorothée Munyaneza

Toi, moi, Tituba...

Dorothée Munyaneza sera en résidence du 8 au 18 juin à Montévidéo.
 

Tout part de rencontres, comme toujours, rencontre avec la philosophe Elsa Dorlin, rencontre avec son texte Moi, toi, nous... : Tituba ou l’ontologie de la trace que j’eus la joie de mettre en mouvement en 2021 dans le cadre de l’ADN Dance Living Lab au Théâtre National de Chaillot, et puis des retrouvailles, avec Tituba et la pensée de Maryse Condé.

Récit-généalogie paru en 1986, Moi, Tituba sorcière... donnait vie, à partir de quelques lignes découvertes dans les minutes d’un procès pour sorcellerie, à Tituba, femme, noire et sorcière, à une époque où il n’était bon d’être aucun d’eux. Une œuvre-résistance, celle de Maryse Condé, qui n’a eu de cesse de redonner une voix, une chair, une histoire à ce qui a été effacé, tu et meurtri.
Car tout est là. Comment faire résonner les souffles, les vies et les rêves de ces hommes et ces femmes dont les identités et les existences furent niées et broyées par la traite et le système colonial ?
À travers les mots ? À travers le corps peut-être, puisque je suis danseuse ? A travers la voix qui habite l’espace, les chants qui parlent à ceux qui sont là et ceux qui sont loin ?
Comment déplacer mon corps et mon histoire pour rendre audibles, visibles et palpables, des traces de vie éteintes, passées inaperçues, ignorées ou oubliées, comment me relier à ma propre histoire dont ne témoigne nulle trace écrite, à l’exception, peut-être, de quelques « ratures historiques » pour reprendre les mots d’Elsa dans les archives administratives coloniales ? Est-il possible de faire lignage, de relier le temps d’une danse, celles et ceux que l’histoire a oublié.es avec tant d’application avec nos vies, mais aussi avec celles et ceux qui sont à naître ?